« Vis comme en mourant tu voudrais avoir vécu. »
Je ne suis pas particulièrement fan de l’auteur ni même du livre, mais il y a des phrases, parfois, qui nous touchent plus que d’autres ; et celle-ci m’a inspiré ce petit montage vidéo.
Elle est issue du roman Les enfants de l’aube, de Patrick Poivre d’Arvor.
Résumé :
Dans cette histoire, Tristan, un garçon à la santé fragile est envoyé dans un sanatorium. Il y rencontre, Camille, une fille de son âge et pupille de la nation. Les deux tombent follement amoureux. Un matin, ils décident de s’enfuir afin de vivre leur amour loin de ce lieu aseptisé. Mais les forces de Camille déclinent…
Qui aurait pu s’attendre à ce que le terne présentateur du JT pouvait avoir dans le cœur une histoire d’amour si déchirante ? Il l’a écrite alors qu’il était lui-même ado.
J’ai été surpris, à l’issue de cette lecture, en découvrant que notre PPDA national avait en fait une carrière d’écrivain prolifique — plus d’une vingtaine d’ouvrages, quand même !
Ironie du sort, voilà un homme qui a visiblement un monde intérieur riche, pourtant, mais dont on ne se souviendra pourtant qu’en tant que présentateur du JT de TF1…
Passage à la loupe
La 4e de couverture présente deux brefs avis promotionnels.
Celui d’Isaure de Saint Pierre, pour VSD, se contente d’un bref résumé avec un choix de mots convenus :
« Une histoire triste et romanesque sur deux adolescents qui se retrouvent dans un sanatorium pour vivre, en marge du réel et du monde des adultes, une très belle et brève histoire d’amour. »
Celui de Julia Bordeau (pour le Figaro), plus dithyrambique, indique :
« Il s’agit d’un livre qui survivra à l’actualité littéraire. Une autre version du Blé en herbe ou de Tristan et Iseult. »
Avant de passer à la suite de l’article, prévenons-nous d’un malentendu. Je sais pertinemment qu’il ne faut pas faire grand cas des avis qui figurent sur les 4e de couverture ; le nom du journaliste écrivant l’avis importe généralement moins que le journal auquel il appartient — gage de prestige.
Seulement j’aime jouer, et j’ai trouvé ce parallèle intéressant à faire entre ces grands journaux et les chroniqueurs de plus petite envergure…
DONC...
Différences entre Les enfants de l’aube et Le blé en herbe
Ayant lu le Blé en herbe de Colette, cet avis n’avait évidemment pas manqué d’attiser ma curiosité. Après lecture, je comprends la comparaison du fait de certains points communs :
- le thème “amour adolescent contrarié”,
- l’isolation des personnages qui s’enferment dans leur relation et leurs tourments intérieurs,
- un ton chargé de mélancolie, que j’ai pris soin de restituer dans ma vidéo.
Néanmoins, je peux vous certifier que les différences entre les deux romans sont assez importantes pour rendre cette comparaison pour le moins audacieuse.
Notables différences : dans Le blé en herbe, la difficulté de la relation provient du fait que ce sont deux amis d’enfance qui, en grandissant, voient leur amitié innocente se transformer en un amour maladroit – presque encombrant – et le sexe est à peine esquissé.
Dans Les enfants de l’aube, les deux personnages se rencontrent dans un sanatorium, le couple se forme presque aussitôt et le sexe est explicite.
Il est évident que cette comparaison très valorisante de PPDA à une sommité telle que Colette, couplée à la mention “un livre qui survivra à l’actualité littéraire” est un peu trop élogieuse pour être honnête et qu’il la doit davantage a son statut de grand présentateur de télé qu’à la qualité de son ouvrage qui, dans le paysage des années 80, n’apporte rien de spécialement novateur ou iconique.
Faut-il fustiger pour autant ce traitement de faveur ?
Eh bien je n’en suis pas si sûr, figurez-vous. Car ils font simplement, à leur échelle parisienne, ce que nous faisons déjà à la nôtre dans la sphère de la littérature indépendante : du copinage et de l’entraide.
Ce qui nous amène à la suite…
Que faut-il penser du copinage dans le milieu de la littérature ?
Ce copinage, on le retrouve dans tous les milieux professionnels et dans toutes les sphères sociales. C’est un comportement parfaitement naturel, découlant d’un mode de fonctionnement tribal où l’on se protège les uns les autres, on se sert les coudes pour être plus forts ensemble.
Si cela nous paraît parfois indigne ou injuste, c’est simplement parce que certains groupes ont plus de portée que d’autres. Ainsi des œuvres moyennes, banales et même parfois médiocres (ce n’est pas le cas ici, précisons-le) peuvent bénéficier d’un retentissement auquel elles n’auraient jamais pu prétendre si leur auteur n’était introduit auprès de milieux puissants. Cela génère mécaniquement de la jalousie ainsi que du mépris de la part de ceux qui n’ont pas le privilège d’être bien introduits dans ces mêmes milieux.
Mais l’honnêteté pousse à admettre que, chacun à notre échelle, nous avons tendance à reproduire les mêmes schémas. D’ailleurs, je ne me prive pas moi-même d’afficher les extraits les plus élogieux des chroniques que mon roman a reçues, car c’est bien leur rôle que d’être mis en exergue pour attester de la valeur d’une œuvre.
De fait, ce comportement, n’est pas – dans l’absolu – à condamner.
En revanche, il est tout de même à surveiller dans la mesure où l’on peut facilement glisser vers une forme d’entre-soi qui fait perdre le sens des proportions — une forme de consanguinité socio-culturelle où l’on se renvoie la balle les uns les autres en perdant à la fois le goût de la passer au-delà d’un cercle préexistant et la curiosité d’en sortir parfois soi-même pour aller voir ce qui se fait ailleurs.
Trop souvent, et avant même que de s’y être penché plus d’un instant, on jugera que telle œuvre est trop élitiste ou à l’inverse trop populaire, trop militante ou au contraire trop lissée pour plaire au grand public.
Régulièrement, et sans forcément s’en apercevoir, on juge les choses, non par rapport à ce qu’elles sont en soi, mais par rapport à ce que l’on est soi-même, et au groupe auquel on appartient et que l’on veut défendre (vous suivez toujours ? 😁)
Conclusion
Pour nous distinguer de ce comportement de caste et des préjugés qu’il nous conduit à adopter, il faut non seulement avoir conscience de son existence et des biais qu’il induit, mais surtout accepter le fait que nous y soyons tout aussi vulnérables, car ce sont les leurs autant que les nôtres.
Défendons les copains, oui. Mettons-les en avant, oui.
Mais veillons à le faire dans une démarche sincère, en n’attribuant nos éloges qu’à des œuvres dont nous pensons qu’elles le méritent vraiment, indépendamment de l’affection ou de l’estime que nous pouvons avoir pour leur auteur, du cercle auquel il appartient, ou du prestige de celui-ci.