Dans un carnet, je note tous les livres que je lis. En cette fin d'année 2024, cela me permet de constater que j'ai pu lire 30 livres. Cela peut paraître beaucoup, par rapport à la moyenne, ou fort peu, par rapport aux lecteurs assidus.
Certains livres laissent une forte empreinte, quand d'autres ne font que passer comme un souffle d'air, sans laisser le moindre souvenir. Le carnet est alors très utile. Il est vrai que la mémoire, comme les muscles, a besoin d'être égratignée, de répétitions, et de revenir sur ses pas, pour se renforcer.
Et puis il y a le temps. Sur ces 30 livres, combien valaient le temps que je leur ai consacrés ? Quand je compulse mon carnet, je me dis que je n'ai pas à en rougir. J'ai bien occupé mon temps. Si quelques lectures frivoles se sont glissées ici ou là , j'ai globalement su choisir mes lectures convenablement et respecter les heures écoulées.
30 livres, c'est beaucoup, et fort peu ; surtout par rapport à tout qu'il est possible de lire. Mais il ne suffit pas de lire, il convient, pour soi-même, de vivre, aussi. Il convient donc de choisir des lectures qui— outre le plaisir qu'elles procurent — aident à vivre, à comprendre le monde, à comprendre l'histoire et les gens. C'est que j'ai su faire. Et c'est pourquoi, si je devais n'en retenir que cinq, je recommanderais ceux-ci.
Comme à vous aussi votre temps est compté, et que cette introduction est déjà bien longue, je me cantonnerai à 840 caractères pour chaque livre — l'équivalent de 3 tweets.
5 livres, 3 tweets — pas un de plus — pour vous donner envie de les découvrir.
Le Voleur (1897) - Georges Darien
Les parents de Georges Randal sont morts. Élevé par son oncle, il sait que celui-ci dilapide son héritage, sans pouvoir rien y faire. Révolté par la bonne société bourgeoise et sa cruelle hypocrisie, Randal devient voleur — une sorte de Robin des Bois égoïste et cynique.
Plus qu'un récit de vengeance, Le Voleur fait partie de ces nombreux ouvrages d’époque qui dénonce les travers d’une caste hypocrite, assujettie à un conformisme d’apparences et de valeurs, mais en réalité profondément immorale. L’époque actuelle nous montre que rien n’a changé.
Pour Randal, les lois sont faites par les riches pour encadrer un vol légalisé, institutionnalisé, mais vidé de romantisme. L'acte du vol devient un acte libératoire, et une forme de révolte face à l'injustice d'un système corrompu.
Bel-Ami (1885) - Guy de Maupassant
Georges Duroy est un ancien sous-officier fraîchement installé à Paris. Sa belle apparence et sa personnalité malléable lui permettent de s'introduire au sein de la haute bourgeoisie. Il sait se faire apprécier ; surtout des dames, qu'il courtise même si elles sont mariées.
Il est embauché dans un journal, mais, se voyant incapable d'écrire le moindre article, il sollicite l'aide de Madame Forestier, l'épouse de son ami. Inculte, manipulateur et égocentrique, il se sert sans scrupules de ses relations pour monter l'échelle sociale.
Pour lui, les relations amicales et affectives ne sont que des moyens de parvenir à ses fins. À travers son travail au journal, le lecteur peut découvrir comment on fabrique les idées et les informations qui forment l'opinion populaire. Tout est manipulation. Encore une fois, rien n'a changé.
Le Petit Prince (1943) - Antoine de Saint-Exupéry
Pourquoi relire Le Petit Prince à 30 ans révolus ? Pour vérifier qu'on a su conserver son âme d'enfant et revivre ce merveilleux voyage, pour être touché par la profondeur inouïe de ce texte, et découvrir des choses qu'on n'avait pas perçues autrefois.
Pour un esprit jeune, à la mémoire encore vierge et dans laquelle la moindre idée laisse une forte empreinte, le choix des lectures est crucial. À ce titre, Le Petit Prince est un concentré de sagesse, de fraîcheur, de candeur et de maturité tout à la fois.
Les valeurs qu'il transmet sont bonnes à enseigner et bonnes à se rappeler. Tout enfant peut le lire, tout adulte doit s'en souvenir. Sa portée est universelle et intemporelle. On le lira encore dans mille ans.
Quatrevingt-treize (1874) - Victor Hugo
L'histoire nous ramène durant la guerre de Vendée qui opposa les républicains aux royalistes. Trois personnages s'y confrontent : un ancien prêtre devenu révolutionnaire inflexible, un jeune noble idéaliste acquis à la même cause, et un vieux marquis royaliste
Sous couvert de raconter une aventure semée de batailles, Hugo se livre et fait le bilan de la Révolution. Ce livre est son dernier, et l'un de ceux qui lui tenaient le plus à cœur. Il était un humaniste et un républicain, mais, jeune, on l'a d'abord connu royaliste.
Cette évolution personnelle lui permet de présenter les convictions de ses personnages avec force et justesse. Plus que les protagonistes d'une histoire, ils sont porteurs d'une idée. À la fin, deux sont tués, un seul reste en vie. À qui Hugo laisse la vie sauve ? La surprise est totale.
Sire (1991) - Jean Raspail
En 1999, le jeune Philippe Pharamond de Bourbon, descendant des Capétiens, traverse la France à cheval pour se rendre à Reims et se faire sacrer roi de France. La République dresse devant lui son plus féroce limier afin de le retrouver et de l'arrêter.
Toutefois, cette épopée chevaleresque s'avère être un élément secondaire. Car le vrai sujet de ce roman, ce n'est pas Philippe, c'est la monarchie toute entière. Jean Raspail tire prétexte de son histoire pour dresser l'éloge posthume des rois de France vaincus par la Révolution.
Raspail nous ramène dans un monde imprégné de foi chrétienne, où les anges se manifestent, où les prières sont entendues, et où les hommes sont humbles serviteurs de Dieu. C'est un cri d'amour exalté pour un régime qui — bien que révolu — nous a accompagné des siècles durant.
Conclusion
Et voilà , c'est terminé ! 😌
Promis, j'ai aussi lu des livres plus récents, mais ceux-là furent les meilleurs. Et puis ils sont si actuels que c'en est troublant !...
L'avantage de lire des livres anciens, c'est que cela nous rapproche de nos aïeux et nous aide à les comprendre.
Le passé paraît moins lointain ; on peut constater ce qui a changé et ce qui est toujours pareil ; on se relie à la grande Histoire, avec ses horreurs comme avec ses miracles. Nous en faisons partie et nous serons jugés de même, plus tard. Soyons humbles et dignes de cet héritage.